
Un morceau de bravoure,de tragédie Grecque
Ou plutôt Ukrainienne
Aux accents bibliques,
où le drame inéluctable,
Fruit amer ou pourri
De la victoire infâme
Du fort sur le faible,
Se noue sournoisement
à l'abri des regards
Mais dans la lumière crue
D'une justice aveuglée,
Aux ordres comme on dit.
La justice des hommes corrompus,
Celle de Dieu n'est pas en reste
Et pour cause,
"la vertu ne se décrète pas,
N'exige aucune contrepartie,
ton chemin de croix sera
Celui de la rédemption"
susurre le croyant à l'incroyant
jusqu'à ce que ce dernier courbe l'échine
et finisse comme ce squelette de baleine
Ou cette épave de bateau...
Ironie du sort, la maison la maison de Kolia
Sera finalement remplacée par une église.
Les écrits saints ne sont-ils pas
Les premiers arguments commerciaux
Pour faire prospérer une foi dont les promoteurs
(les mêmes qui détiennent le pouvoir)
Exploitent sans vergogne la fragilité d'hommes brisés.
Notre héros va payer sans broncher
Pour un crime qu'il n'a pas commis.
L'enfer c'est parfois la religion.
Tout dépend de ce qu'on en fait,
De ce qu'on lui fait dire.
La satire, redoutable arme de Leviathan,
Opère sa critique frontale d'une religion d'Etat,
D'une croyance érigée en cadre dogmatique
Qui va donner bonne conscience au bourreau
Lorsque le moment sera venu d'écraser
Le citoyen comme un vermisseau.
Derrière son ineffable noirceur
Le film réveille les consciences,
Nous ouvre les yeux,
Nous fait réaliser combien les donneurs de leçons,
Les chantres de la morale (religieuse en l'état)
Sont souvent les mauvais payeurs,
Parce que du coté des puissants.
Jamais des faibles...
Du côté des influences,
La légende Arthurienne est partout.
Pas que pour ces décors grandioses
Qui finissent par nous convaincre
Que l'homme moderne est né quelque part
Sur les rives de la mer de Barents.
Mais aussi pour le héros Kolia
Cet Arthur de devoir qui ne voit pas Guenièvre
S'amouracher de Lancelot,
Pourtant son premier défenseur,
L'avocat venu de Moscou,
Bien trop occupé qu'il est à préserver
L'unité de son royaume :
La maison héritée de générations,
Les souvenirs, son sang.
Sur cette terre du bout du monde
On l'imagine bien s'écriant
Après le verre de trop
"Une terre, un roi".
Quel rôle pourrait alors jouer son fils,
Mordred alias Roma,
Dans la décomposition du foyer familial ?
Celui d'un adversaire en devenir ?
L'un des responsables indirects
De la tragédie à l'oeuvre ?
Certainement et ces grilles de lecture
Disent d'elles mêmes
Toute la grandeur du sujet,
Des "sujets" du film
Se débattant pour s'arracher au joug
D'un destin malicieux,
Au sens de messager discret,
Invisible du "mal".
Sorte de visiteur du soir indélicat
Et difficile à repousser
Comme lors de cette incursion
Nocturne et menaçante
D'un maire aviné, crapuleux
Dans les retranchements de Kolia.
Leviathan se construit avant tout sur le réel,
Sur des personnages qui existent
Dans une géographie, dans une société,
Sous l'autorité d"une administration
Centralisée, tentaculaire (l'allusion du titre)
Dont les rouages létaux apparaissent rapidement.
C'est alors le cinéma qui vient à notre rencontre,
Le vrai, à l'état brut et qui vous saisit à la gorge
Comme les goulées de Vodka
Coulant dans le gosier de personnages
En sidération devant les coups durs,
Les vents contraires, mais qui tiennent debout,
Coûte que coûte, en essayant modestement
De préserver ce qui subsiste en eux de dignité humaine.
Un peu comme des roseaux qui plieraient sans rompre
Espérant sereinement le jour où le destin aura le bon goût
De déraciner le chêne (le puissant, l'Etat, la religion)
Pour lui ôter un peu de son insolente superbe,
De cette morgue hautaine et insultante
Qu'il étale depuis trop longtemps...
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